Appel à contributions – Contrôle et transmission en psychanalyse

Chers Amis,

après la publication des deux premiers volumes de la collection Gordiens et borroméens, nommément Les Ruines psychiques (paru en 2021) et Inceste dans la famille occidentale (publié en 2022), je prévois la publication d’un nouveau livre collectif.

Comme pour les deux premiers volumes, la publication sera assurée par Huit Intérieur Publications, dont la présence s’étend bien au-delà de l’Hexagone grâce aux catalogues des libraires à l’international ainsi qu’à la version numérique du livre.

Ce nouveau volume sera consacré au Contrôle et transmission en psychanalyse, dont j’espère que le thème pourra vous inspirer un travail de réflexion, de discussion ou de témoignage. D’autant plus que le contrôle est un point fondamental dans la formation du psychanalyste et la supervision une pratique courante chez les psychiatres, les psychologues et les psychothérapeutes. 

Pour approfondir le sujet, je vous prie de trouver plus bas la présentation du prochain livre collectif.

Bien amicalement,

GAR, le 22 octobre 2023

Contrôle et transmission en psychanalyse 

Dans son « Acte de fondation », Lacan considère que, dès le départ de la pratique analytique du clinicien en formation, « un contrôle qualifié » devrait lui être assuré (Lacan, 1964). Si dès le départ de la fondation de son école la question du contrôle — celui qui doit s’imposer logiquement dans la transmission de la psychanalyse — est mis en exergue, sa mise en place toutefois n’appartient paradoxalement à aucune procédure institutionnelle. Très clairement, selon Lacan, le contrôle — comme l’analyse, d’ailleurs — ne s’impose pas par l’institution, mais lorsqu’il entre en jeu la responsabilité du praticien vis-à-vis de son patient. « Comme ne pas voir que le contrôle s’impose dès le moment de ces effets, et d’abord pour en protéger celui qui y vient en position de patient ? Quelque chose est ici en jeu d’une responsabilité que la réalité impose au sujet, quand il est praticien, de prendre à ses risques » (Lacan, 1964).

Contrôle hors institution et transmission de la psychanalyse

La psychanalyse dite didactique ne peut répondre à aucune structure institutionnelle, car la pratique analytique enjoint logiquement à l’analyste débutant, et à lui seul, une réflexion soutenue sur son acte. C’est également le cas de la transmission et de la garantie du psychanalyste en formation, y compris lorsqu’il appartient effectivement à une école ou association analytique. Pour cela, nous pouvons nous demander ce qui se passe lorsque ni l’analyste didactique ni l’analyste débutant n’appartiennent, ou n’appartiennent plus, à aucune institution analytique. Eh bien, dans ces cas, toutes les questions cruciales autour du contrôle en tant que vecteur principal de la transmission de la psychanalyse restent posées et encore plus clairement qu’ailleurs.

L’authentique transmission de la psychanalyse ne dépend ni de l’enseignement universitaire ni des institutions réunissant de psychanalystes. Autant les universités, avec parfois un discours perverti de la science, que les écoles ou sociétés analytiques, avec parfois leur discours du maître en béatitude — traversées qu’elles sont par des effets de groupe, par des factions idéologiques saturées de fanatisme ou par des conflits d’intérêts narcissiques —, constituent souvent de véritables biais ou écueils pour l’analyse personnelle, pour la passe clinique, pour le contrôle, pour la garantie et donc pour la transmission de la psychanalyse.

En revanche, contre vents et marées, sous dédains ou fureurs, la psychanalyse vit et se transmet toujours dans une dimension hors institution. Parfois, cette psychanalyse hors institutions persiste paradoxalement au sein même de ces institutions (universitaires ou analytiques), mais son esprit et son aspiration se situent forcément en dehors de ces mécanismes de fatuité et loin de ces fonctionnements superfétatoires.  

Nous ne négligeons pas l’enseignement de la psychopathologie par les universités ni celui de la psychanalyse doctrinale par les institutions analytiques, à condition que ces enseignements théoriques ne deviennent ni idéologiques ni scientistes. Tant que ces institutions ne cèdent pas aux fanatismes sectaires, elles accomplissent une louable labeur dans la formation théorique de base. Néanmoins, la véritable pratique transmissible de la psychanalyse s’effectue forcément dans un cadre intimiste, discret, confidentiel, singulier, secret, privé, non institutionnel. C’est également dans ce même espace intime et hors institution que s’élaborent les moments cliniques de passe aussi bien que les fondements nécessaires pour la garantie de la pratique, dont évidemment la mise en place du contrôle.

Tout en étant hors institution, un tel domaine intime n’exclut ni l’appartenance à une institution ni l’échange bienvenu et souhaitable entre des analystes appartenant à des institutions différentes ou même à aucune.

Si le contrôle s’impose toujours hors institution, c’est parce qu’il part de l’un des effets inévitables de l’entrée dans la pratique analytique. L’analyste débutant se demande s’il a bien fait, s’il a bien tenu sa posture, si ce qu’il a dit ou omis de dire a été pertinent. Il s’interroge sur le sens de la suite, veut anticiper les dires et faits de l’analysant tout en cherchant parfois confusément la logique du cas. Il se pense en dehors du symptôme de son analysant ou au contraire complètement submergé par lui. Il essaie tant bien que mal de ne pas assumer telle angoisse qu’il ressent dans la confrontation avec un patient dit difficile ou psychotique. Il lui arrive d’être animé par la passion de savoir ou de dire la vérité, par la passion de guérir ou par la passion du transfert. Traversé moralement par un certain catéchisme de l’analyste militant, obligé d’apporter la bonne nouvelle d’une transcendance idéologique, le praticien débutant risque de se trouver limité et enfermé dans une volonté décidée où se diluent le désir de savoir et la liberté de son action.

C’est sur ces versants que la discipline du contrôle et la transmission de l’expérience s’imposent dans l’atelier permanent de l’acte analytique.

Éthique de la pratique et capacité à supporter le transfert 

La pratique de la psychanalyse est intrinsèquement liée à l’éthique du bien-dire et à la responsabilité de l’analyste dans l’exécution de son acte et dans la direction de la cure. L’une de ses responsabilités, à part celle de mener son analyse vers une fin logique qui lui permette de passer à un savoir nouveau, se trouve dans le choix de faire un contrôle. 

N’étant ni une injonction morale ni une obligation dans la formation psychanalytique lacanienne, le contrôle fait en revanche partie de la responsabilité et de l’éthique de l’analyste qui cherche à ce que son acte, sa fonction, son statut, sa posture, sa qualification, soient analysés et donc contrôlés par un pair d’expérience. Souvent, lorsqu’un contrôlant s’adresse à un contrôleur, c’est qu’il se trouve déjà devant les conséquences inévitables, parfois déstabilisantes ou incompréhensibles, de l’acte analytique. Si la question sur le bien-fondé de son choix à passer à l’analyste ne se pose en général plus, en ce sens qu’il y est déjà, en revanche, il se trouve que sa propre perception et notamment son sens aiguisé des responsabilités lui montrent qu’il se confronte à quelques impasses inattendues, qui deviendront la matière même du contrôle.

Un contrôle suppose en général une interrogation sur le lieu où se situe le désir de l’analyste chez le contrôlant, puis sur la temporalité de son développement et engagement. C’est-à-dire, comment peut-il supporter le transfert quelques fois massif ou au contraire évasif ou voilé de son patient ? Mais également, quel serait le niveau de ce transfert qu’il fait lui-même intervenir dans le contrôle ? Et ceci est tout aussi vrai pour le transfert du contrôlant que pour celui du contrôleur. D’ailleurs, ne pensons-nous pas que même dans le cas des supervisions en institution, l’analyste favorise et travaille, à la fois, avec le noyau même du transfert de travail qui anime l’équipe ?

En somme, une question essentielle serait de savoir comment s’articule son acte avec la qualification que l’on attend d’un analyste contrôlant. Ceci, dans la mesure où Lacan considère à juste titre que la qualification de l’analyste se trouve dans sa capacité de « ne point se laisser affecter par tout ce qu’il en est de ce par quoi communique tout être humain dans toute fonction avec son semblable » (Lacan, L’Acte analytique, séance du 7 février 1968). Il s’agit ainsi de la capacité, pouvant justement être travaillée dans le contrôle, de ne pas se laisser affecter par le discours et par le transfert de l’analysant.

Contrôle et supervision

Si dans le monde anglophone, le terme contrôle a été traduit par supervision, en France, le premier terme est réservé à la formation du psychanalyste, tandis que l’usage du second fait habituellement référence au travail avec les psychothérapeutes non-analystes ou à l’application de la psychanalyse aux travailleurs sociaux dans les institutions de santé mentale ou du milieu associatif.

C’est dans ce dernier usage que la supervision connaît une diversité d’applications institutionnelles. Les pratiques les plus habituelles étant la supervision d’équipes de travail, l’application adaptée du contrôle psychanalytique a été progressivement modifiée en supervision individuelle de psychiatres, psychologues ou travailleurs sociaux, en supervision de cadres et même en supervision de direction. Dans certains cas, nous avons également connu la pratique inédite jusque-là de la supervision institutionnelle, laquelle inclut une partie importante des membres d’une institution, comme un hôpital psychiatrique ou un centre maternel, pour la mise en route de nouvelles stratégies vis-à-vis des patients ou des usagers.

Une réflexion sur quelques-unes de ces modalités dans la pratique du contrôle et de la supervision, sous la lumière de ce que nous savons d’abord sur le contrôle psychanalytique, serait par ailleurs la bienvenue. Sans oublier, bien entendu, la question cruciale de ce qui se transmet de la psychanalyse notamment à travers le contrôle.

Quelques idées de thèmes possibles

  • analyse, contrôle et passe
  • transmission de la psychanalyse par le contrôle
  • garantie dans la jonction entre contrôle et passe
  • subjectivité de l’analyste, subjectivité du contrôleur ?
  • contrôle avec son analyste ou avec d’autres
  • analyse unique et contrôle multiple (par plusieurs contrôleurs)
  • types de transfert dans la pratique du contrôle
  • y a-t-il une résistance au contrôle chez le contrôlant ?
  • y a-t-il une résistance au contrôle chez le contrôleur ?
  • témoignages et expériences du contrôle
  • transmission de la psychanalyse à travers l’internat en psychiatrie
  • supervision collective en institution
  • supervision individuelle en institution
  • supervision de cadres et de direction
  • témoignages et expériences de supervision

Informations pratiques

L’appartenance, ou la non-appartenance, à une école ou à une association de psychanalyse n’est pas une condition pour participer. La condition est plutôt l’initiative personnelle de chacun dans son transfert à la psychanalyse.

Si vous pensez pouvoir produire un texte de qualité avec des références cliniques sur Contrôle et transmission en psychanalyse, n’hésitez pas à nous envoyer un court argumentaire avec un titre (quelques paragraphes suffiront), avant le 4 mars 2024, à [email protected]

Ensuite, les textes définitifs seront attendus pour le 15 novembre 2024, selon les Instructions aux auteurs.

German ARCE ROSS, le 22 octobre 2023