HAZIF-THOMAS, C., STEPHAN, F., WALTER, M., THOMAS, P., « Hallucination négative, conscience de soi et avancée en âge », L’Encéphale (2015) 41, pp. 168—173.
Quelques psychiatres, comme C. Hazif-Thomas, F. Stephan, M. Walter et P. Thomas, du service de psychiatrie du sujet âgé du CHU de Brest, évoquent la relation qu’établit German Arce Ross entre hallucination négative, syndrome de Cotard et fuite des idées autour de la clinique des facteurs blancs.
Les auteurs se proposent de faire le point sur ces questions chez la personne âgée et sa prise en charge. En partant du fait que « la phénoménologie des hallucinations négatives est riche d’informations sur l’origine des symptômes psychotiques aux âges tardifs », ces psychiatres nous parlent d’une fuite des limites du corps.
Il me semble que le terme de “fuite des limites du corps” est très parlant pour situer la phénoménologie de cette pathologie. Ils disent notamment que : « ici [dans l’événement hallucinatoire] ce ne sont plus les idées qui sont dispersées, comme dans la manie et sa fuite des idées [Binswanger], mais les éprouvés corporels, d’où une fuite des limites du corps, expliquant la possibilité de délires d’énormité dans le syndrome de Cotard. »
En cela, ils ont l’air de s’opposer à notre théorie mais, rapidement, ils constatent l’existence d’un élément supplémentaire qui produirait une incidence négative sur l’expérience ou l’éprouvé même du sujet. Ceci puisque, selon eux, l’hallucination négative semble témoigner d’une insuffisance de symbolisation concernant l’expérience de la perte et l’expérience de la souffrance psychique. C’est-à-dire qu’à la différence déjà marquée entre hallucination et fuite des idées, il viendrait s’ajouter, chez le sujet âgé devant l’expérience d’une perte extrêmement mélancolisée, une « réalité seconde ».
Dans ce contexte, il s’agirait d’une réalité qui aurait à voir avec la négativité du syndrome de Cotard. Et nous savons combien une extrême mélancolie maniaque peut se développer lorsque l’expérience de la perte est parsemée d’une série d’événements psychiques vides qui ont le nom de facteurs blancs. Ces derniers, partant de valeurs vides de sens, produisent à terme un surplus négatif de sens, impossible à symboliser en l’état.
En effet, les auteurs nous disent que « la compréhension de ce qui nous fait être charnellement qui on est, du corps-sujet, est à travers l’hallucination négative vidée de son sens, au profit d’une réalité seconde dans laquelle le malade ne repère plus ce qui lui appartient en propre, expérience témoignant de l’atteinte de la permanence du sujet… ». C’est-à-dire que la négativité de l’hallucination s’appuie sur un vide, sur un espace blanc, qui concerne le sens du monde sensible du sujet. Et c’est ainsi alors que « néanmoins, certains auteurs soutiennent la persistance d’une fuite des idées dans le syndrome de Cotard, plus exactement « “une sorte d’envers de la fuite des idées” ou “même une fuite confuse des idées” [Arce Ross] ».
Concernant la thérapeutique, je suis absolument d’accord avec les auteurs lorsqu’ils signalent que « les thérapeutiques médicamenteuses ne sont pas toujours efficaces ». Et que « le traitement se doit donc de privilégier le rapport au corps dans une visée énergique, et ainsi proposer des approches non médicamenteuses, somatiques, invasives (ECT) ou non (SMTr ou Stimulation Magnétique Transcrânienne) ».
Pour l’instant et après cet article des psychiatres de Brest, je pourrais dire qu’en plus du délire (des négations), de l’hallucination (négative) et du passage à l’acte (suicidaire), il y a bien, dans la mélancolie anxieuse majeure ou dans la psychose maniaco-dépressive, une quatrième forme d’expression psychopathologique. Dans cette quatrième forme, il s’agit d’une sorte de fuite hallucinatoire des événements subjectifs, ce que j’appelle du terme de fuite des événements.
Nous aurons l’occasion de développer cette question plus avant.
German ARCE ROSS. Paris, 2015.
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